« J’ai toujours aimé l’aube. Pas toi ? »
Ironique, on lui a toujours répété que c’était ironique, pour un vampire, d’aimer voir le soleil se lever et de le regarder obstinément, même lorsqu’il la draine de son peu d’énergie vitale. Et c’est d’autant plus grotesque de chuchoter ça au creux de ton oreille, un léger sourire flottant sur ses lèvres – ses petites jambes délicatement enroulées autour de ta taille, la poupée cherchant à peser le moins possible sur tes genoux si généreusement offerts. « J’ai peur du noir, tu sais ? » Elle soupire, toute la fatigue du monde s’abattant sur son petit corps en porcelaine.

La première fois qu’elle a dû plonger ses crocs dans la gorge de quelqu’un d’autre, elle n’a pas pu s’empêcher de s’excuser platement, pendant plusieurs dizaines de minutes. Elle en avait trop pris et, plutôt que d’aider un humain à arrondir ses fins de mois, elle avait réussi à le vider de son sang – depuis elle apprend, à chaque morsure, de nouveaux angles pour réduire les chances de tuer le donneur. « Ca va probablement faire un peu mal. » Autre habitude agaçante : elle ne sait définitivement pas se taire, préférant combler le silence jusqu’à ce que les bruits de succion remplacent ses inepties illimitées.

Une fois sûre que son poids ne met pas ta vie en danger, elle laisse ses bras pendre mollement de chaque côté de ta nuque, et son nez se colle affectueusement contre ta nuque, prenant une ou deux profondes inspirations. Ton sang n’a pas un goût qu’elle affectionne particulièrement – trop acide, l’arôme étranger explose à chaque fois dans sa bouche à la manière d’un citron trop mûr dans lequel elle mordrait à pleines dents. Pourtant elle n’hésite jamais à te faire remplir ta part de votre marché, favorisant la nutrition au goût. « J’y vais. »

Et ses canines s’enfouissent finalement à la jointure entre ton cou et ton épaule, perçant la peau en un léger pop qui la fait frissonner d’appréhension. Obligée d’aspirer pour faire venir assez d’hémoglobine et se nourrir correctement, elle sent ses propres bras s’agripper avec un peu plus de fermeté à ton t-shirt, t’attirant plus près d’elle encore. Elle prend le temps d’en savourer le goût unique, ne s’arrêtant qu’une fois sustentée – sa langue nettoie gentiment les plaies jurant avec ta peau de porcelaine, et elle se blottit contre toi en laissant échapper un soupir de contentement, satisfaite pour une poignée d’heures. « Merci, Fynn. Je crois que j’aurais pas tenu très longtemps. » Rire fluet qui agite les constellations de ses omoplates et elle ne rouvre les yeux que pour fixer le soleil, le défiant de la faire s’endormir après un tel repas.
« La journée commence à peine ! Qu’est-ce que tu veux faire ? »

Je n'aime pas le froid. Celui qui crispe mes expressions, assaillit mes mains. Je n'aime pas non plus la nuit. Celle où l'on perd nos repères, celle qui susurre le silence à vos oreilles, qui ne scintille pas assez. J'aime l'aube, chaleureuse et multicolore – je l'aime encore plus si Ange en fait l'éloge.

Je n'aime pas le froid, mais je le tolère sur le bout de ses doigts, peau contre peau, porcelaine et porcelaine. L'atmosphère est toujours différente lorsqu'Ange est là, et je ne fréquente pas beaucoup de vampires mais je supposes que c'est un trait de sa race. L'air devient presque glacial, mes poils s'hérissent et mon sang, comme s'il vivait de lui même, vibre dans mes veines. Mon esprit est calme et j'en aurais presque peur d'en arracher des mots, peur de déconcentrer l'artiste dans son art ; seul sa respiration résonne dans la pièce et sa concentration m'apaise. Je suis presque déçue de croire qu'elle est habituée à ce genre de barbarie, mais fascinée de la voir à l'oeuvre.

La mélodie de sa voix annonce et j'essaye de me concentrer sur les couleurs de l'aube qui parviennent jusqu'au centre de la pièce. C'est toujours le premier contact qui surprend, et j'en oublis rapidement que son doux faciès est enfouit dans mon cou et qu'à tout moment, elle pourrait me tuer, sur mon propre sofa. A chaque gorgée je tire une nouvelle couleur. Un orange qui me rappelle les plaines de ma planète en automne, chasse la nuit dans un bordeaux, et lorsque la pièce baigne dans ce rose pâle qui me rappelle toujours Ange, cette dernière se retire. Ses paroles redeviennent claires, tout comme la perle de ses yeux qui à repris de son éclat, et je m'y vois à travers.

Le soleil caresse son doux faciès et je ricane à sa satisfaction trop apparente. « La journée peut attendre, laisse moi manger un bout à mon tour et je pourrais réfléchir. » Mon corps me joue des tours, m’avertis que vraiment, rester éveiller toute une nuit pour laisser un vampire se nourrir de moi, c'est peut être pas une bonne idée. Mais si j'ai le droit d'assister à cet instant où son visage pétille de couleurs, alors ma douleur est apaisée et oubliée.

J'attrape le bol de fruits non loin et me replace sur le sofa, une Ange toujours blottit contre moi. « J'aime les teintes du ciel à l'aube. Je ne sais pas de quelle couleur est mon sang, ni même ma chair ou mes os.

C'est une malédiction chez nous de voir son propre sang. Je sais seulement que celui des humains est rouge, comme le crépuscule. » J'imagine, pendant un instant, que le sérum est la luxure du vampire, et je m'en veux un peu de lui parler si librement de son repas tout juste digéré.

« Si tu devais le peindre, il serait comment ? »

Mes yeux s'ajustent doucement à la lumière du jour qui nous envahit et nous réchauffe. Je pioche dans mes fruits, l'autre main caressant sa chevelure perlée de diamants.

couleur fynn
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